Les coulisses du reportage par Maxime Recoquillé (auteur)
Doom a été mon premier jeu sur ordinateur. Un voisin travaillant dans l’informatique m’en avait apporté une copie sur CD-ROM, un soir d’hiver. J’avais 7 ou 8 ans. Doom était un jeu de tir ultra-violent, révolutionnaire dans son genre. Je me souviens de mes premières parties, de ces niveaux de plus en plus sanglants. Cette expérience m’a fasciné.
Ma passion pour les jeux vidéo débute ici. Elle ne s’est jamais éteinte, même si son apogée se situe plutôt à l’adolescence, lors des nombreuses heures passées devant Call of Duty ou encore Fifa.
Quelques années plus tard, je suis devenu journaliste. Les jeux vidéo sont restés à leur place, comme loisir. J’observais toutefois, avec intérêt et un brin de nostalgie, l’essor du e-sport naissant.
Pour DONg !, avec Théo du Couëdic, j’ai plongé dans le sujet tête baissé, pensant que ce serait « facile » pour un passionné de jeux vidéo comme moi. Mais je me suis vite rendu compte que je n’étais plus à la page. La popularité d’un Fortnite, la starification de certains joueurs auprès des ados d’aujourd’hui m’échappaient déjà. Je n’ai pourtant « que » 27 ans.
Ainsi, avec Théo, nous voulions réaliser un portrait de Gotaga, l’homme au million d’abonnés sur Twitter, star de l’équipe Vitality. Il a été impossible de le joindre directement. Perdus dans la myriade d’intermédiaires (agents, sponsors), nous n’avons jamais pu lui soumettre notre proposition.
Autre idée : nous souhaitions suivre des joueurs de Fortnite dans leur préparation pour la toute première Coupe du monde. Skiite, futur 7e de la compétition (premier Français) faisant partie de nos « cibles ». Un échec. Ces ados n’avaient pas le temps.
Alors, nous avons changé d’approche. Les investissements dans le e-sport sont massifs. Éditeurs de jeux, marques, et même clubs de football : tout le monde veut son équipe. Être payé pour jouer n’est donc plus un rêve inaccessible pour des millions d’ados. En France, des académies et des écoles se sont engouffrés dans la brèche pour lui donner vie. Nous avons donc suivi le quotidien de joueurs professionnels chez MCES à Marseille et d’autres aspirants à ce statut, au Gaming Campus de Lyon.
Pendant notre reportage, nous avons rencontré des jeunes talentueux, d’une habileté incroyable à la souris et au clavier. D’une rare intelligence quand il s’agit d’opérer les bons choix dans un jeu comme Fortnite où une partie peut basculer en un battement de cils
Mais surtout, nous avons senti qu’il était très difficile de se faire une place dans le e-sport, surtout sur Fortnite, joué par plus de 250 millions de personnes à travers le monde. Il faut beaucoup d’entraînement, des sacrifices, une chance insolente. Et tout cela avant même d’avoir atteint sa majorité. Ce qui implique, pour certains, de mettre entre parenthèses leurs études. Jouer, aujourd’hui, c’est aussi travailler. Même si tout se passe dans un univers pop, coloré, attrayant, comme Fortnite sait le proposer. La quête de la performance, la popularité, l’argent, rendent les passions adolescentes un peu moins innocentes.
Aller plus loin par Théo du Couëdic (auteur)
Avec mon compère Maxime, nous avons plongé dans un monde où de jeunes joueurs peuvent gagner des dizaines voire des centaines de milliers d’euros en l’espace de quelques semaines. Ils vivent dans un microsome. Ils s’entraînent jour et nuit pour certains. J’avais sous-estimé les enjeux de cette discipline.
Le monde du e-sport se professionnalise. On le voit avec l’apparition de structures comme MCES. Les joueurs de haut niveau sont perçus comme des stars par les plus jeunes. Le milieu est âpre, il est dur se s’y faire une place. Il faut un mental d’acier. Des joueurs passent régulièrement d’une équipe professionnelle à une autre.
Et puis certains joueurs sont très jeunes. Ils mêlent de front Fortnite et l’école. Certains gagnent déjà plus d’argent que leurs parents alors qu’ils ne sont même pas majeurs.
Les analogies avec le football sont nombreuses : que ce soit la période de mercato, les centres de formation, la difficulté de percer, le rêve, l’argent en jeu… L’e-sport est en évolution constante. Il reste de nombreuses zones grises en France, notamment dans le domaine juridique.
Ce reportage pour DONg ! m’a ouvert les portes d’un monde dont je sous-estimais l’importance. Je suivrai son évolution avec attention.
À lire
Jouer sérieux : le phénomène e-sport, Marabout, 2017
—> Un des rares livres sur l’e-sport, sous la direction de Philippe Rodier, lui-même ancien joueur. Des auteurs sérieux comme Paul Arrivé, journaliste e-sport à L’Équipe, participent à l’ouvrage.
Mathieu Triclot, La philosophie des jeux vidéo, éditions Zones, 2011 (rééd. La Découverte 2017)
En kiosque : Magazine JV – culture du jeu vidéo – mensuel
Et pour un peu d’histoire, les hors-séries : JV – Génération jeu vidéo, années 80 et 90
À voir
L’e-sport fait vivre de Clément Vallos pour Arte, 2016 (10 épisodes)
[vidéo]: https://www.arte.tv/fr/videos/RC-014293/l-esport-fait-vivre/
En Bref : l’univers des sports électroniques – Netflix, 2018
[vidéo]: https://www.netflix.com/fr/title/80216752
In Game de Julien Demond – Youtube, 2016 (6 épisodes)