MAIS ILS SONT OÙ LES TOP CHEFS ?

Les coulisses du reportage

Par Nathalie Gathié

Quand Raphaële, rédactrice en chef et créatrice de DONg !, m’a demandé de me creuser les méninges dans la perspective d’un numéro « spécial alimentation », je n’ai pas réfléchi très longtemps. Mes papilles, mon palais, mon estomac se sont rappelés à mes (mauvais) souvenirs de collégienne et ont illico crié vengeance sur l’air de « cantines, cantines, fais une enquête sur ces purs cauchemars en cuisine » !  Fâchée avec les lasagnes « gratinées au vomi », perturbée par les omelettes supposément bio mais carrément « martiennes » à force de reflets verts, ma fille de neuf ans plaidait, elle aussi, pour un article en forme de revanche sur les déjeuners honnis de la cantoche. Banco donc pour un papier sur la route du beurk ! Un collège du 20ème arrondissement a eu la gentillesse de m’accueillir malgré la crise sanitaire et le menu peu alléchant servi le jour de ma venue. La cuisine centrale de cet arrondissement m’a elle-aussi ouvert ses portes et j’ai compris pourquoi le mauvais goût avait triomphé du bien-manger. J’ai réalisé que dans les grandes villes le modèle ultra-centralisé, autrement dit industriel, ne pouvait pas accoucher de bons petits plats. J’ai pris conscience que normes d’hygiène et plaisir gustatif n’allaient pas de pair et que, comme souvent, la qualité est sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. Mais dans ces cuisines centrales chargées de « fabriquer » jusqu’à 14.000 repas quotidiens, j’ai aussi rencontré de fabuleuses « petites mains » – cuisiniers, manutentionnaires, livreurs…- désolées de ne pas être en mesure de satisfaire vos appétits. Ces employés travaillent dur dans des conditions difficiles. Leur rémunération est bien faible et leur reconnaissance nulle. Tous méritent respect et encouragement. Les femmes et les hommes politiques, qu’ils soient maires, président de conseil départemental ou régional en charge de la restauration scolaire, doivent eux se mobiliser pour que la cantine ne soit plus un calvaire.

LA CANTINE COMME DANS UN RÊVE

Les coulisses du reportage

par Sandra Laboucarie

 

Des questions

« Cantine », pour moi, ce mot n’évoque pas de très bons souvenirs. Quand j’étais collégienne, la cuisine de la restauration scolaire était au mieux insipide, au pire immangeable. Une question me taraude alors depuis : pourquoi ? Pourquoi est-ce si difficile de servir des plats savoureux aux élèves ? Est-ce dû au nombre de repas à préparer ? Au budget à maîtriser ? À des normes d’hygiène à respecter ? En clair, est-ce possible de se régaler à la cantine ? Alors quand j’ai appris l’existence d’une cantine bio et locale à l’Isle-Jourdain, dans le Gers, ma curiosité a été titillée ! Comment ce défi était-il relevé ? Et surtout, quel était l’avis des élèves ? Parce que faire des repas bons pour la santé et pour la planète, c’est une chose, mais faire des repas qui plaisent aux ados, quelle gageure !

 

La découverte d’un collège

La première fois que j’ai découvert le collège Françoise Héritier, c’était il y a deux ans… Il était tout neuf ! Nous nous étions intervenues au CDI de l’établissement, avec la rédactrice en chef de DONg ! Raphaële Botte, pour présenter la revue aux élèves. Déjà, j’avais été impressionnée par cet établissement où la végétation occupait une grande place dans le hall. J’ai appris ensuite que les préoccupations environnementales étaient au cœur de son projet pédagogique : tout juste ouvert, son bâtiment a été conçu avec une ventilation bioclimatique, un système de récupération d’eau de pluie pour alimenter les chasses d’eau, il y avait un jardin potager, des éco-délégués et… donc cette cantine 100% bio et local. Cela signifie que le cuisinier n’utilise que des aliments bio et que la plupart ont été produits dans la région.

 

L’enquête et le reportage

J’ai pris contact avec le principal de l’établissement, M. Francis Bacquié. Je me suis rendue deux fois sur place pour m’entretenir avec lui et commencer mon enquête. J’ai aussi rencontré le gestionnaire puis le chef cuisinier Thomas Idrac : quelles étaient les contraintes des produits bio et locaux ? Comment s’organisait-il ? quel sens cela avait-il pour lui ? Quel était le prix des repas ? etc. La deuxième partie de mon travail a été le reportage : les voir travailler, partager leur quotidien dans la cuisine, me glisser dans la cantine à l’heure où arrivent les élèves… Je suis arrivée dès 6h30 du matin, quand le cuisinier et ses équipes commençaient à travailler. J’ai été impressionnée par la précision dans l’organisation et la réalisation de près de 500 repas en quelques heures. Admirative aussi de voir les cuisiniers écaler plus de 300 œufs à la main, alors que moi, au bout de deux, je m’agace déjà ! J’ai été aussi touchée par l’implication personnelle engagée par le cuisinier dans son métier. Thomas Idrac est un ancien pâtissier. Quand il parle des élèves, il dit « les enfants », un peu comme si c’était les siens ! Il n’a qu’une idée en tête : « leur faire plaisir ».

J’ai déjeuné avec les équipes et me suis régalée. J’ai été particulièrement chanceuse : la première fois, j’ai goûté à une mousse au chocolat et la deuxième un brownie. Miam !

C’est aussi dans ces moments, plus informels, que l’on glane des informations qui vont permettre d’incarner un peu plus les « personnages » de notre reportage. Par exemple, c’est pendant un repas, qu’une employée de la cantine m’a raconté le repas de Noël, le menu servi, mais surtout les applaudissements des élèves, pour remercier et féliciter le chef cuisinier. Cette cantine sortait vraiment de l’ordinaire.

D’ailleurs, qui l’eut crût : de retour chez moi, j’ai réalisé une recette de la cantine : une tourte végétale. Décidément, les reportages sont toujours riches d’enseignements ! »

 

Pour aller plus loin :

À la télé
Un reportage de l’émission « Envoyé Spécial », France 2 :
Cauchemar à la cantine
Ce reportage a été réalisé en 2018. Il pose le débat et montre surtout que rien n’a changé en trois ans. Les fameuses omelettes évoquées par les élèves dans le reportage de DONg ! existaient déjà…

 

Sur Internet
Un reportage sur des cantines « modèles »

L’ONG Greenpeace milite pour que les cantines servent davantage de repas végétariens.

 

À la radio
Bien manger à la cantine, c’est possible dans « Les bonnes choses » sur France Culture.
Cette émission (2019) sur la cuisine et l’alimentation de Caroline Broué est consacrée aux solutions pour mieux manger à la cantine. Les invités abordent tous les aspects. Gilles Pérole est maire de Mouans-Sartoux et il explique les solutions mises en place pour les cantines de sa ville. Sandra Franrenet est journaliste. Il y a deux ans, elle a publié Le Livre noir des cantines (éd. Leduc).