Chloé Rémond

Le garçon sans école

Les coulisses du reportage

Chloé Rémond est partie en novembre 2018 au Bangladesh pour écrire le reportage

Un garçon sans école

Bangladesh

Pays d’Asie frontalier de l’Inde et de la Birmanie

Capitale : Dacca

Langue : le bengali

Organiser ce reportage

J’ai travaillé trois ans en Asie du Sud mais je n’étais jamais allée au Bangladesh. J’ai réalisé ce reportage dans le cadre d’un voyage de presse. Un voyage de presse est un voyage organisé pouvant s’étaler sur plusieurs jours, à destination des journalistes. L’objectif pour celui qui l’organise est d’obtenir le plus possible d’articles et de reportages favorables. Dans mon cas, c’est l’ONG Vision du Monde qui a organisé ce voyage de presse. Cette organisation de solidarité internationale chrétienne vient en aide aux enfants les plus fragilisés. Son objectif était de faire parler des actions de Vision du Monde dans les camps de réfugiés rohingyas au Bangladesh.

Cela pose une question sur la liberté du journaliste mais nous avons discuté avant avec ces organisateurs pour savoir comment nous pourrions travailler ensemble. Nous avons aussi financé une partie du reportage. L’ONG ne nous a pas du tout demandé de relire l’article avant de le publier. Tout cela est très important à vérifier avant, c’est une relation de confiance. Mais c’est vrai que sans eux nous n’aurions pas pu aller, comme ça, aussi vite et facilement dans ce camp. Nous étions donc une équipe de quatre journalistes : un grand reporter du journal La Croix, un rédacteur en chef, un journaliste reporter d’images de la chaîne d’information France info, et moi.

 

Sur place

Nous avons passé trois jours dans le camp 13 car c’est le camp géré par Vision du Monde. Au début de cette crise humanitaire, le 25 août 2017, plusieurs ONG ont débarqué au Bangladesh ; elles ont décidé qu’il serait plus efficace de se répartir la gestion des camps plutôt que de travailler toutes ensemble dans les 34 camps. Avant ce reportage, j’avais fait quelques interviews sur Skype avec différents membres d’autres ONG travaillant sur place pour avoir une idée précise de la situation au moment où je serais moi-même sur le terrain.

 

Choisir un angle

Le sort des Rohingyas, leur histoire, les conséquences de leur exil forcé : toutes ces informations sont denses, alors j’ai décidé, sur les conseils de ma rédactrice en chef Raphaële Botte, de les raconter à travers le portrait d’un adolescent. Le premier jour de reportage, j’ai donc rencontré plusieurs adolescents dans l’espace pour enfants. J’ai choisi Fayazul, à la fois parce qu’il s’exprimait avec une certaine aisance, ce qui facilite les échanges mais aussi parce qu’il m’a donné l’impression de vouloir témoigner et raconter comme s’il avait plus conscience que les autres de l’injustice de son sort. Il a accepté tout de suite de me laisser le suivre dans son quotidien. Le plus difficile était la barrière de la langue car pour parler ensemble, nous avions besoin de deux traducteurs : un qui traduisait du Rohingya au Birman et l’autre du Birman à l’Anglais. Trois jours, c’est court pour avoir les idées claires mais on est tous repartis avec le sentiment que cette situation, que tout le monde voudrait temporaire, allait malheureusement s’éterniser.

 

Pour aller plus loin sur le sujet

Selon l’ONU (Organisation des Nations Unies), les Rohingyas sont victimes d’un génocide (extermination d’un peuple). Les enquêteurs de cette organisation ont publié un rapport mettant en cause l’armée birmane. Après la publication de ce rapport, plusieurs pays ont demandé que ces responsables militaires soient poursuivis devant un tribunal mais le gouvernement birman rejette toutes les accusations. La Birmanie n’a pas signé le Statut de Rome, le document fondateur de la Cour pénale internationale qui permet de sanctionner les crimes de guerre, de génocide ou les crimes contre l’humanité. Ce pays n’a donc pas à craindre la Cour pénale internationale. Et si le Conseil de sécurité de l’ONU a bien le pouvoir d’agir, la Russie et la Chine qui fournissent des armes à la Birmanie s’opposeront sans doute à tout procès…

 

À voir

Enfants Rohingyas, la double peine, Arte reportage.

Ce reportage de 36 minutes disponible sur le site de la chaîne Arte raconte notamment comment les enfants et adolescents rohingyas, en particulier les orphelins, sont pris en charge par la plus puissante organisation islamique du Bangladesh.

ONG Vision du monde

Notre reporter, Chloé Rémond, est partie avec l’ONG Vision du monde.

Voici quatre questions à Raphaële Vauconsant qui s’occupe, entre autres, des relations avec les journalistes français.

 

. En quelques mots, en quoi consiste la présence de Vision du monde au Bangladesh ?

Depuis le début de la crise, l’ONG humanitaire Vision du Monde agit pour la protection des enfants Rohingyas et de leurs familles. Nos équipes locales sont déjà venues en aide à près de 265 000 personnes. Cette aide s’est traduite par : la construction d’abris contre les intempéries ; la distribution de kits d’hygiène et d’équipements de cuisine ; l’installation de toilettes ; la construction de puits ; la mise en place d’“Espaces amis des enfants” où les enfants peuvent chaque jour venir jouer et se distraire dans des lieux sécurisés et adaptés à leurs âges.

. Depuis quand y êtes-vous et pour combien de temps encore ?

Nos équipes sont présentes au sein du camp depuis le début de la crise en août 2017. Aujourd’hui le camp de Cox Bazar’s au Bangladesh compte près de 800 000 réfugiés Rohingyas. Nous resterons dans le camp le temps qu’il faudra pour que ces réfugiés vivent dans des conditions décentes – nous sommes donc encore là pour plusieurs années !

.  Comment travaillez-vous avec les journalistes et pourquoi organiser avec eux de tels voyages ?

Nous proposons aux journalistes de nous accompagner dans les pays dans lesquels nous intervenons, afin de mettre en avant des causes qui nous semblent importantes. La situation des réfugiés Rohingyas est dramatique mais pourtant peu de journalistes en parlent aujourd’hui. C’est pourquoi nous avons décidé d’organiser un voyage de presse dans les camps de réfugiés pour faire parler de cette situation et faire prendre conscience en France de la gravité de la situation.

. En quelque mots, Vision du Monde, c’est quoi ?

Vision du Monde est une association humanitaire d’inspiration chrétienne, membre du partenariat World Vision qui est la première ONG de parrainage d’enfants du monde. Depuis plus de 15 ans, Vision du Monde fait partie d’une grande chaîne de solidarité d’hommes et de femmes engagés pour venir en aide aux enfants les plus vulnérables. Présente dans 10 pays (Sénégal, Mali, Ethiopie, Liban, Arménie, Mongolie, Birmanie, Bangladesh, Vietnam et Bolivie), Vision du Monde est au service des enfants afin qu’ils puissent grandir dans un environnement plus sûr et plein d’espoir. D’une durée moyenne de 15 ans, les programmes de développement sont mis en place pour permettre aux communautés de devenir autonomes afin que chaque enfant puisse manger à sa faim, boire une eau potable, être soigné et aller à l’école.

https://www.visiondumonde.fr/

 

Le reportage est illustré par Amélie Fontaine