Sandra Laboucarie
Le jour où j’ai voulu voir l’ours
Les coulisses du reportage
La première fois que j’ai écrit un article sur l’ours, c’était en 2004, après la mort de Cannelle, pour un journal parisien. Cannelle, c’était la dernière ourse de souche pyrénéenne. Je connais les Pyrénées, car je vis depuis plusieurs années à une centaine de kilomètres des premières montagnes. Je connaissais le travail de Pays de l’ours-Adet et quand j’ai découvert qu’ils organisaient des randonnées sur le suivi de l’ours, je me suis inscrite. Rencontrer ou parler à des éleveurs et des bergers a été plus compliqué. Le climat est si tendu que certains ont peur de se confier à des journalistes. Peur que les propos soient mal compris d’une non montagnarde. Il y a aussi de vives tensions dans la population, comme si chacun devait choisir son camp : être pour ou contre l’ours. La nuance ne semble pas possible. Par exemple, pour certains, ceux qui acceptent les mesures de protection sont pour la réintroduction. Et être pour la réintroduction dans la profession, c’est l’assurance d’être mal vu. Des éleveurs qui ont mis en place des mesures de protection préfèrent donc rester discrets et se taire. Idem pour les bergers qui nuancent les dégâts causés par l’animal : si leur identité est reconnue, ils ont peur de ne plus avoir accès à certaines estives l’année suivante…
Une amie qui a grandi en Ariège m’a aidée à entrer en contact avec un éleveur. Ensuite, c’est un peu comme toujours dans notre métier, une pelote que l’on déroule : un contact vous donne un autre contact qui vous parle de quelqu’un d’autre, etc. Dans un sujet qui fait débat, comme celui-ci, il faut simplement bien faire attention à avoir plusieurs pelotes à dérouler. Sinon, on risque de n’entendre qu’un son de cloche (de brebis !).
Aller plus loin
Qui fait quoi ?
L’association Pays de l’ours-Adet existe depuis 1991. Elle veut valoriser l’environnement des Pyrénées en restaurant notamment une population viable d’ours bruns.
http://www.paysdelours.com/fr/adet/
L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) dépend du ministère de l’Écologie et de l’Agriculture. Il encadre la pratique de la chasse et étudie l’état des populations sauvages sur le territoire français.
Le Muséum d’Histoire naturelle de Toulouse a consacré une exposition sur l’ours, en 2014. À cette occasion, l’ourse Cannelle, le dernier ours brun de souche pyrénéenne, a été naturalisé par les taxidermistes du Muséum. Elle y est toujours conservée.
Une espèce protégée mais pas menacée
Au niveau mondial, l’ours brun n’est pas une espèce menacée. Il en reste environ 200 000 mais sa répartition est très inégale : ils sont par exemple 36 000 en Russie, mais leur population est très fragile en Europe du sud et de l’ouest ou en Asie.
L’ours brun est une espèce protégée : il est interdit de le chasser ou de le vendre. Il existe plusieurs textes de lois et accords internationaux qui encadrent sa protection : la loi française, depuis 1981, la directive européenne Habitats, faune, flore de 1992 ou encore la Convention de Berne datant de… 1979 !
Les mots pour comprendre
Ursus arctos
C’est le nom de l’espèce « ours brun ». Elle comporte plusieurs sous-espèces. Parmi elles, l’ours brun européen ou ursus arctos arctos, celle des ours qui vivent dans les Pyrénées et en Slovénie. Mais aussi ursus arctos horribilis, plus connu sous le nom de « grizzly », qui vit en Amérique du Nord. Et comme son nom latin laisse le deviner, il est effrayant !
À lire, à voir
Les contes, albums et histoires ne manquent pas. Ces deux romans se déroulent dans les Pyrénées et disent bien la fascination mais aussi la répulsion que suggère l’ours.
Un ours dans la bergerie, de Quitterie Simon, éd. Thierry Magnier, 2015, 100 pages. Élias est un fils d’éleveur pyrénéen, très remonté contre l’ours. Un jour, Élias recueille un ourson et s’attire les foudres des autres éleveurs. Ce roman permet de bien comprendre les raisons de la colère des opposants à la réintroduction d’ours. Il nous fait aussi réfléchir sur notre envie si fréquente d’apprivoiser les animaux sauvages.
Jean de l’Ours, de Louis Espinassous, éd. Cairn, 2012, 232 pages. Durant trois étés, Jean part aider son grand-père berger à l’estive. Là-haut, il rêve de croiser l’ours. Il aime aussi guetter les isards, admirer le ballet des vautours, flotter sur une mer de nuages et écouter les histoires de son Pépé sur l’ours… Ce roman, écrit par un pisteur d’ours ravira les amoureux de la nature. C’est aussi une belle réflexion sur la relation entre le monde sauvage et celui des humains. Attention, il est plus facile à trouver d’occasion et en bibliothèque que neuf.
Rencontrer l’ours sur Internet
L’Association Pays de l’ours – Adet met en ligne des vidéos et photos automatiques prises sur les itinéraires de suivi :